Adrienne Horel-Pagès : « Jouer notre rôle pour le financement de la protection de la biodiversité »

Dans le cadre de son partenariat avec le film « Animal » réalisé par Cyril Dion, La Banque Postale met le sujet de la biodiversité en avant. Interview avec Adrienne Horel-Pagès, directrice de l'engagement citoyen, qui rappelle ici le rôle des entreprises et plus particulièrement des institutions financières pour la protection de la biodiversité.

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«  Le sujet "biodiversité" semble être un sujet nouveau pour les entreprises et les acteurs financiers. Comment expliquez-vous cette émergence tardive en comparaison d’autres enjeux environnementaux plus matures comme le climat ?

L’importance du sujet « biodiversité » n’est pas récente. Historiquement, les mouvements écologistes se sont constitués autour de cette question, bien avant le sujet du changement climatique. Cependant, parce que la biodiversité est un sujet complexe, la connaissance a été plus longue à s’accumuler et la recherche à se structurer. Le dérèglement du climat a des causes plus faciles à appréhender : les activités humaines émettent des gaz à effet de serre, en quantités bien trop importantes depuis des décennies, et l’enjeu est de réduire ces émissions, avec un indicateur commun pour tous : la tonne CO2eq.

L’effondrement de la biodiversité, elle aussi la conséquence d’activités humaines, répond à des mécanismes et à des interconnexions bien plus complexes à appréhender et à mesurer. Les causes sont multiples et jusqu’à il y a peu nous ne disposions pas d’un indicateur de mesure unique pour suivre ce phénomène. 

Pourtant, ses effets sont aussi terriblement néfastes pour nos sociétés et pour nos économies, peut-être même davantage que le dérèglement climatique. Il faut que les acteurs économiques prennent rapidement conscience du risque immense que fait courir cet effondrement à beaucoup de leurs activités. Il faut en prendre conscience comme nous l’avons fait pour le climat, mais beaucoup plus rapidement.

Ce n’est pas qu’un enjeu de responsabilité, c’est aussi un enjeu économique majeur : selon le fonds mondial pour la nature (WWF), la destruction du capital naturel coûte 500 milliards d’euros à l’humanité chaque année. Le rapport coordonné par Partha Dasgupta, professeur à Cambridge, à la demande du gouvernement britannique, nous indique que les bénéfices tirés de la nature ont déjà chuté de 40 % par habitant en 30 ans. Ce ne sont pas que des chiffres, ce sont des conséquences très concrètes et déjà visibles pour de nombreux secteurs d’activités : c’est la perte d’habitat pour les pollinisateurs et l’impact sur toutes les formes d’agriculture, c’est la disparition des écosystèmes coralliens dont dépendent des centaines de millions de personnes dans le monde, ce sont des dommages en cascade sur les sols et l’eau...

Nous devons donc passer à l’action : de nombreuses entreprises ont conduit des études pour comprendre leurs impacts sur la biodiversité, et de nombreux moyens d’action sont déjà disponibles pour limiter ces impacts. Pour aller plus loin, l’enjeu est celui de la collecte et de l’analyse de la donnée pour comprendre l’ensemble de ces effets et généraliser la prise en compte de cette dimension dans toutes les décisions des organisations. Pour le secteur financier, on commence seulement aujourd’hui à avoir des outils de calcul solides alors que pour le climat, on est en mesure de le faire depuis quelques années déjà. On pourra bientôt orienter de façon systémique nos décisions en fonction de l’empreinte des activités sur le capital naturel.

Quel est le rôle des entreprises et plus particulièrement des institutions financières pour la protection de la biodiversité ?

Comme pour le climat, les entreprises doivent veiller à ce que leurs actions et décisions aient un impact le plus limité possible. La préservation de la biodiversité est un enjeu vital si on veut être en mesure d’assurer la survie de l’espèce humaine dans le futur. C’est l’une des 9 limites planétaires : ne pas les respecter, c’est prendre un risque énorme pour les générations futures. L’effondrement de la biodiversité, c’est même la limite qu’on a le plus dépassée parmi ces 9 limites. Ce n’est pas viable, il y a urgence à agir.

D’ailleurs, à La Banque Postale, nous avons inscrit le respect de ces limites planétaires au cœur de notre raison d’être. Et notamment parce qu’on comprend bien que notre modèle économique repose sur le respect de ces limites. Avec tous les établissements bancaires, nous avons collectivement la responsabilité d’agir pour préserver et restaurer les espèces et les espaces naturels. Il s’agit de jouer notre rôle pour le financement de la protection de la biodiversité, aux côtés de la puissance publique, mais aussi dans la mise en œuvre rapide de la feuille de route qui sera décidée au printemps prochain lors de la COP15 Biodiversité en Chine.

Il s’agit aussi, puisque nous sommes au carrefour de l’économie, de sensibiliser, d’orienter et d’accompagner tous nos clients, des entreprises aux particuliers, puisque nous avons tous notre rôle à jouer.

Pourquoi La Banque Postale soutient-elle le film Animal ?

Le film Animal de Cyril Dion est un formidable vecteur de compréhension de la biodiversité, des effets négatifs de nos activités et des moyens de la protéger. Il a le potentiel d’un électrochoc, qui doit éveiller et mettre en mouvement. La Banque Postale accompagne cet événement afin de sensibiliser le plus largement possible les Français et les jeunes générations à la protection de la biodiversité. De plus, soutenir ce film, c’est aussi sensibiliser l’ensemble de nos collaborateurs, pour qu’ils soient des relais des messages du film. Accompagner la transition juste de notre économie passe aussi par la pédagogie et la formation et c’est un axe clef de notre stratégie d’engagement citoyen.

Dans le cadre de ce partenariat, des projections en avant-première sont prévues dans plusieurs villes en France et des places seront distribuées gratuitement pour la sortie du film en salles.  Ces actions visent à toucher le maximum de publics : les jeunes de l’Envol, le programme de mécénat de La Banque Postale, les scolaires, les collaborateurs du groupe ainsi que nos clients.

Quelles sont les autres actions de La Banque Postale pour avoir un impact positif sur la préservation de la biodiversité ?

Engagée pour la protection de biodiversité, La Banque Postale a mis en place de nombreuses actions concrètes, comme par exemple l’application d’une charte de financement responsable encadrant l’activité d’octroi de crédits et excluant les acteurs associés à la déforestation.

Autres exemples : la méthodologie GREaT développée par LBP AM dont l’évaluation prend en compte la protection de la biodiversité dans ses critères d’investissement ou le crédit consommation à impact lancé en septembre : une première sur le marché qui valorise l’engagement sociétal des clients en les incitant à consommer mieux et en compensant l’usage de leur bien.

Par ailleurs, nous réfléchissons en permanence aux actions supplémentaires à déployer. Nous avons par exemple signé en septembre le « Finance for Biodiversity Pledge », qui nous engage à développer une stratégie dédiée en faveur de la biodiversité et à mesurer l’impact de notre activité en la matière grâce à l’outil « Global Biodiversity Score » de CDC Biodiversité, une filiale de la Caisse des Dépôts.

Et enfin, c’est aussi un objectif central de notre stratégie climat : tous nos progrès en la matière bénéficient directement à la préservation de la biodiversité, puisque le réchauffement est une des principales menaces pour la biodiversité. »

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