Politique monétaire : des réalités bien différentes de part et d’autre de l’Atlantique

A un mois de la fin de la suspension pour 90 jours des droits de douane réciproques, dont la légalité est contestée sur le sol américain, D. Trump continue d’agiter la « stratégie du fou » face à ses partenaires commerciaux.

Cela rend difficilement lisible l’atterrissage effectif des hausses de droits de douane américains. Les droits sur l’acier et l’aluminium ont été portés de 25 à 50 % début juin et les négociations avec l’UE sont difficiles, l’administration Trump ayant menacé la mise en place de surtaxes punitives de 50 % en l’absence d’accord. La désescalade avec la Chine, dont les droits de douane avaient été portés à 145 % et réduits à 30 % début mai, paraît en outre fragile. Sur le volet budgétaire, le projet de Budget américain prolonge les crédits d’impôts du premier mandat Trump avec un risque de dérive accentuée des finances publiques. Le projet de loi introduit également la possibilité de taxer la détention d’actifs américain par des étrangers domiciliés dans des pays qui auraient des pratiques fiscales jugées "injustes" à l’encontre des intérêts américains. De quoi renforcer la capacité de rétorsion des Etats-Unis dans le jeu des tensions commerciales mais avec le risque de freiner les investisseurs étrangers.

  • Dans ce contexte, la Fed devra faire naviguer sa politique monétaire sur le reste de l’année. La lecture difficile des hausses de droits de douane et de leur impact sur la dynamique des prix devrait inciter la réserve fédérale à la prudence courant 2025. D’autant que les fondamentaux de l’économie américaine restent corrects à ce stade. Les marchés ont à ce titre nettement révisé leurs anticipations de baisses de taux directeurs pour 2025, malgré une inflation proche de la cible en avril.
  • En zone euro, les signaux sont plus convergents pour la BCE, qui a abaissé pour le 8e fois ses taux directeurs. L’inflation atteint 1,9 % en mai et la désinflation s’observe également dans l’inflation sous-jacente et les salaires. L’appréciation de l’Euro face au dollar depuis le début de l’année, malgré la divergence des trajectoires de politique monétaire des deux côtés de l’Atlantique, et la faiblesse des prix de l’énergie sont d’autant plus d’éléments favorisant la normalisation de la politique monétaire. Le taux de dépôt atteint ainsi 2,00 % (contre 4,00 % en juin 2024), proche du niveau jugé « neutre » pour l’économie. La bonne maîtrise de l’inflation pourrait permettre à la BCE de positionner ses taux sous ce niveau structurel – et ainsi soutenir l’activité – en cas de ralentissement plus marqué au 2nd semestre 2025 (impact des droits de douane notamment). A ce stade, l’activité en zone euro est atone mais ne rompt pas. Les dernières prévisions des institutions internationales traduisent une croissance faible pour le reste de l’année 2025, après le léger rebond de l’activité observé au 1er trimestre.
  • Les marchés actions ont pour le moment nettement rebondi depuis avril, retrouvant voire dépassant les niveaux observés avant les annonces du « Libération Day ». Les marchés ont accueilli favorablement les pistes de négociations commerciales (notamment entre la Chine et les États-Unis) et semblent toujours faire le pari d’une sortie par le haut des tensions commerciales actuelles.