Retour sur la Conférence «Changement climatique : comment accélérer l'adaptation de notre économie ?» avec Benoit Leguet, Éric Piolle, Lou Welgryn et Laurent Delcayrou

Le 28 novembre 2024, La Banque Postale a organisé une conférence intitulée « Changement climatique : comment accélérer l'adaptation de notre économie ? ». Cet événement s'inscrit dans le cadre des Dialogues de l'Économie Citoyenne, une série de discussions visant à décrypter les enjeux économiques et sociétaux majeurs.

L’adaptation climatique, un enjeu pour La Banque Postale

En ouverture, Serge Bayard, Directeur général de la banque des entreprises et du développement local de La Banque Postale. a souligné l'urgence d'une approche proactive face au changement climatique. « On est passé d'objectifs de décarbonation à des objectifs visant à limiter l'impact ou à traiter de l'impact du changement climatique », a-t-il expliqué, citant l'exemple des récentes inondations à Valence qui ont coûté 120 milliards d'euros. « Nous devons passer du réactif au proactif », a-t-il insisté. Face à l'ampleur du défi, il a souligné l'importance des partenariats : « Nous ne pouvons pas le faire seul. C'est la raison pour laquelle nous travaillons avec des partenaires, Carbone 4, I4CE, Shift Project ».

Vidéo Conférence « Changement climatique : comment accélérer l'adaptation de notre économie ? »

Conférence « Changement climatique : comment accélérer l'adaptation de notre économie ? »

Une approche scientifique de l'adaptation climatique

Benoît Leguet,  Directeur général d'I4CE - Institut de l'économie pour le climat et membre du comité de mission de La Banque Postale, a défini l'adaptation comme « la démarche d'ajustement au climat actuel ou attendu ». Il a souligné un constat alarmant : « nous ne sommes pas aujourd'hui adaptés au climat actuel, et même les infrastructures construites aujourd'hui ne sont pas adaptées au climat d'aujourd'hui. » Il a insisté sur la nécessité d'une double action : «s'adapter et atténuer. Dans 25 ans, en France, en Europe, on doit être neutre en carbone. »

Si les entreprises et les investisseurs jouent un rôle clé, Benoît Leguet a révélé un chiffre inquiétant : «50 milliards d'euros d'argent public part chaque année vers des investissements pour lesquels le climat n'est pas pris en compte de façon systématique. » Il a souligné l'importance d'intégrer les scénarios climatiques dans les décisions d'investissement : « la plupart des investissements sont faits en faisant comme hypothèse de base que le climat va être stable. C'est une hypothèse assez osée. ». Il a notamment évoqué la TRACC (Trajectoire de Référence d'Adaptation aux Changements Climatiques), un outil essentiel pour « inciter les acteurs économiques à réfléchir à comment je 'design' mon investissement pour m'assurer que j'intègre bien le fait que le climat va changer. »

Les défis locaux et citoyens

Éric Piolle, maire de Grenoble, a mis en avant l'interconnexion entre adaptation, atténuation et préservation de la biodiversité. « Les politiques d'adaptation sont aussi des politiques d'atténuation », a-t-il souligné, avant de détailler les actions concrètes mises en place dans sa ville.

Par exemple, en matière de lutte contre la pollution, les résultats sont tangibles : « À Grenoble, en 15 ans, la pollution de l’air a baissé entre 30 et 50 %. » Une amélioration qui, selon les scientifiques de l'INSERM, pourrait permettre de gagner « 3 mois et demi d'espérance de vie sur le bassin du territoire. »

La ville a également mis en œuvre des mesures d'adaptation spécifiques : « On fait de la pure adaptation quand on fait des salles fraîches dans des crèches ou dans des écoles », a expliqué le maire. La municipalité a créé des cartographies d'îlots de fraîcheur et installé des bancs publics dans les nouveaux parcs pour offrir des refuges pendant les périodes de chaleur.

Sur le plan énergétique, Grenoble a fait des avancées significatives : « nous avons baissé la consommation d'énergie de 40 % dans les bâtiments publics et de 70 % nos émissions de gaz à effet de serre. » Une stratégie de sortie du gaz, initiée en 2014, qui s'est révélée particulièrement pertinente dans le contexte géopolitique actuel, au-delà du coût environnemental.

La transformation digitale et sociétale

Lou Welgryn, Co-présidente de Data For Good, et co-fondatrice d'Essec Transition Alumni. a présenté des initiatives innovantes : « nous développons des algorithmes pour détecter plus rapidement les départs de feu, en partenariat avec les pompiers. » Elle a également souligné son action auprès des Alumni de l’ESSEC : « j’essaie d'accompagner les ALUMNI qui veulent se réorienter et qui veulent donner plus de sens à leur métier ».

Abordant la question de l'éco-anxiété chez les jeunes, elle a proposé une perspective différente : « je n'aime pas trop le terme d’éco-anxieux, parce que je trouve qu'il est vraiment psychologisant, individualisant, comme si le problème climatique et le fait d'être angoissé face au monde qui vient était quelque chose d'individuel, et qu'il fallait aller consulter pour que ça aille mieux. » Elle préfère reprendre les termes de Frédéric Lordon, philosophe et économiste français qui parle de « devenir éco-furieux », transformant ainsi l'anxiété en action collective pour transformer le système. « Être éco-anxieux dans le monde aujourd'hui, c'est juste être lucide parce que c'est normal d'avoir peur et c'est même sain parce que ça nous met en action », a-t-elle ajouté.

L'urgence d'une action collective

Enfin, Laurent Delcayrou, Chef de projet du programme Stratégies de résilience des territoires « The Shift Project  a conclu en soulignant l'importance d'une approche territoriale : « L'adaptation n'est pas une approche technique ou réactive. Dans un monde qui change, qui a déjà changé, qui va changer. C'est la possibilité pour les citoyens, pour les entreprises au niveau local, de réfléchir à ce qu'ils veulent garder, à quoi renoncer, et ce qu'ils veulent faire évoluer. »

La conférence s'est conclue sur un message d'espoir et d'action : l'urgence climatique est une opportunité de repenser nos sociétés pour construire un avenir plus juste, équilibré et respectueux de l'environnement.

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